III. Bilan et critiques du plan Marshall
Dans l’objectif de comprendre et d’analyser les impacts du plan Marshall, il semble important d’en étudier les critiques. Deux types de conséquences peuvent être analysées : les impacts immatériels (culture, idéologie, politique…) et les impacts matériels (économiques).
A) Impact immatériel, idéologique
Le plan Marshall mis en place en 1947 a eu une influence sur les sociétés européennes de l’Ouest.
En effet le plan d’aide a eu pour effet une américanisation des sociétés occidentales du vieux continent. Cette transformation sociétale est due au contact prononcé et prolongé avec les Etats Unis, de ses biens et des hommes du plan Marshall. Cette influence a engendré la création d’une nouvelle classe moyenne. Cette classe sociale commença à regarder des films américains et écouter de la musique américaine. Le début de la mondialisation commence par un export massif de la culture musicale, cinématographique, alimentaire et publicitaire américaine. De plus la société fut influencée par la création des journaux périodiques comme L’Express et de nouvelles radios comme Europe n°1.Ces nouvelles formes de médias d’information sont fortement inspirées de la culture nord-américaine. L’arrivée en 1953 des géants américains comme Coca-Cola a encore plus introduit le « american way of life » dans le quotidien des Européens. Cette américanisation de la société européenne s’est installée par le biais du plan Marshall.
En effet le plan Marshall peut être associé à une immense campagne de propagande pour promouvoir la culture et le rêve américain. Il ne faut pas oublier qu’en sauvant l’Europe, les USA se sauvaient eux-mêmes, l’Europe étant à l’époque un partenaire commercial incontournable. Cette démarche a eu pour effet et but de reformater les envies et les aspirations des Européens pour en faire des consommateurs des biens américains. La transformation s’est effectuée sur le mode de consommation plus que sur les produits à proprement parler. En effet une emphase était faite sur les bienfaits de la consommation et production de masse. Cette idéologie consommatrice passe bien par le plan Marshall via une campagne de marketing à l’échelle d’un continent, dans l’objectif de vendre une culture, ce qui a marché et qui marche encore aujourd’hui. Cette américanisation des sociétés a fait rentrer l’Europe dans l’ère de société de consommation. De plus, la mise en place du plan Marshall couplée aux tensions entre les deux blocs ont permis aux américains de maintenir une présence en Europe. Les bases militaires, les hautes-technologies ou encore les compromis sociaux à partir du New Deal, tout comme l’anti-communiste ou la décolonisation, ont invité l’Europe dans un nouveau monde. Mais ce procédé a été critiqué par les anti-américains. Selon eux cela provoquait une destruction des valeurs historiques européennes.
Cette intense propagande a permis au plan Marshall d’être accepté et bienvenu par les Européens. Le plan Marshall a agi comme un lien entre l’Europe et les USA. Un sentiment de dépendance et de similitude entre le vieux continent et le nouveau monde s’est développé chez les citoyens des démocraties européennes. Ce lien quasi affectif, que l’on ressent encore aujourd’hui (l’Europe se sent politiquement et économiquement plus proche des USA que de la Russie bien que la chute du mur date de plus de 25ans), était crucial dans une période de tensions internationales entre les deux grandes puissances. Cette volonté américaine de montrer leur supériorité idéologique vis-à-vis du communisme lors de la Guerre Froide était un but primordial du plan Marshall. Il fallait contenir, via un plan d’aide économique, le communisme.
Mais malgré ce but du Plan Marshall de reconstruire les pays occidentaux, en France, en Italie et en Grèce les partis communistes ont montré une grande résistance au Plan Marshall, avant, pendant et après sa mise en œuvre. En effet c’est le cas par exemple en France ou le Parti Communiste Français (PCF), en 1956, est classé le parti politique français le plus populaire. La popularité des partis communistes en Europe montre que le plan Marshall et la présence américaine qui l’accompagne n’est pas toujours bien accepté. Mais malgré cette forte présence des parties communistes, le plan Marshall les a exclus des populations indirectement. En effet les parties communistes recevaient les ordres de Moscou, or ces ordres étaient de saboter ou de faire grève pour freiner le plan d’aide américain. Or ces sabotages entraînèrent l’ostracisassion des partis communistes, spécialement en France et en Italie, à cause du besoin de ces aides pour les populations. Ceci montre bien une réussite des Américains contre l’URSS sur un plan politique mais aussi une détérioration des relations entre ces deux pays qui marque aussi un point de non-retour dans leur relation.
De plus un des arguments principaux du plan Marshall était qu’il était impossible pour l Europe de se
remettre des affres de la guerre sans avoir pour moteur une économie allemande efficace. L’Allemagne, de part sa situation politique et géographique, était un enjeu stratégique. En finançant via le plan Marshall une aide à la reconstruction de l’Allemagne de l’Ouest, les Etats Unis ont directement contribué à l’intégration de l’Allemagne dans une communauté européenne et on en voit encore les conséquences aujourd’hui. C’est le cas aussi de l’Europe et des Etats Unis, qui grâce au plan d’aide ont créé des liens et se sont rapprochés pour former un partenariat transatlantique qui existe toujours aujourd’hui.
B) Bilan des effets économiques
Tout d’abord, il y a un scepticisme sur les effets économiques du plan Marshall. En effet il est compliqué de trouver les effets quantitatifs que le plan a apportés à l’Europe, même s’il est admis que l’aide totale du plan Marshall qui était environ égale à 2.5% des PIB des pays bénéficiaires sur tout la période d’activité du plan Marshall. Mais malgré cette aide ça n’a pas pu aider à former plus de 20% du capital créé par les pays au maximum de l’aide. Il y aussi un manque de corrélation fort entre la création de richesse, la croissance et le montant de l’aide, c’est le cas par exemple de l’Allemagne. En effet l’Allemagne sans recevoir l’aide la plus conséquente, a été le pays avec le rythme de reconstruction et de croissance le plus soutenu.
Au-delà de tout ça, le plan Marshall a eu des effets mitigés selon les spécialistes. Ce plan d’aide a été mis en place trois ans après la fin de la guerre, la faute incombe au Congrès américain qui n’a donné son approbation qu’à une date relativement tardive. De ce fait la majorité des infrastructures étaient déjà réparées avant la mise en place du plan ou encore le fait que la production industrielle, à cette date, était déjà supérieure de 20% en moyenne à celle de 1938 dans l’Europe de l’Ouest (sans prendre en compte l’Allemagne). De plus pur appuyer ce propos, des chercheurs de Berkeley ont crées un modèle pour étudier les effets du plan Marshall. Ce modèle prend en compte le changement dans les investissements, les dépenses publiques et la balance courante des pays affectés par le plan Marshall. Donc au final, selon ces chercheurs, d’un point de vue purement économique et quantifiable, l’aide du plan Marshall a seulement aidé à augmenter le PIB des pays receveurs de 0.1% en moyenne au plus fort du plan. Cela permet de déduire que le plan Marshall a été important mais pas de la manière dont on peut le penser, à cause d’aides pas assez importantes mais aussi parce que le gouvernement américain a investi en Europe alors que les entreprises non européennes étaient peu enclines à croire à la reconstruction. Mais cet investissement américain a surtout permis de restaurer la confiance dans les marchés et entreprises européennes ce qui a donc pour conséquences une stabilité monétaire qui entraîne une stabilité nationale de consommation donc des investissements directs étrangers.
Tout ceci entraîne des conditions politico-économiques favorables à la reprise de la croissance. Car grâce a cette politique, le plan Marshall a obligé les économies européennes à devenir des économies de marché, alors qu’elles y étaient peu favorables à cause de la récession de 1929. Ceci entraîna une dérégulation des marchés qui fit de l’Europe un gigantesque marché plein de nouvelles opportunités à exploiter pour les entreprises américaines et européennes. Donc le plan Marshall crée un ajustement structurel qui favorisa la reconstruction d’économies et accéléra la croissance, l’aide a donc aidé à recréer un contexte économique favorable. Les auteurs spécialisés sur le sujet semblent être incertains quant aux effets réels directs du plan Marshal sur les économies européennes. Cependant ils sont d’accords pour dire que le plan Marshall a eu des effets positifs mais qu’ils ne sont pas les effets attendus par une aide financière en premier lieu. Les conséquences du plan Marshall ont principalement permis de restaurer la confiance dans les marchés et dans les institutions qi a eu pour conséquences d’enclencher un cercle vertueux aussi connu sous le nom des Trente Glorieuses. Si le plan Marshall n’est pas la cause principale des Tente Glorieuses c’est en tout cas l’un des détonateurs de cette période qui a transformé l’Europe et c’est lien avec le géant transatlantique.